Hier j’avais la trouille.
Ce soir je suis en colère.
Je suis en colère de lire la crainte dans les yeux de certains collègues et amis, pendant que tu joues au basket avec tes potes, profitant de la douceur de cette soirée, qui frémit déjà d’un printemps en devenir.
Je suis en colère que tu ne comprennes pas que ces barrières n’ont pas été mises là pour que tu puisses t’entrainer au 400m haies, mais pour te protéger. Du virus et de ton insouciance.
Je suis en colère parce ce que pendant que tu te rassembles entre voisins pour célébrer l’heure bleue, je dois m’isoler de mes collègues pour déjeuner le midi.
Le confinement ne s’arrête pas à la porte de la maison.
Je suis en colère parce que, de tous les horizons domestiques proposés par ce confinement, c’est la construction de châteaux de PQ défendus par des murailles de paquets Barilla que tu as choisie.
Du coup, quand je sors du travail pour aller au supermarché miraculeusement encore ouvert, je ne peux plus en acheter, moi, du PQ.
Alors que je l’aurais réservé à son usage premier.
Je suis en colère parce que, si la médecine est mon métier, c’est en montagne que je vis pleinement. Et que je dois renoncer à ces rêves de hauteur, longtemps prémédités, tant espérés. Ces rêves qui ont le goût indescriptible des nuits passées à l’abri des cimes enneigées, la saveur suante de l’effort qui mène au sommet, des liens qui m’unissent à mes compagnons de cordée.
Et pour quoi ?
Pour bientôt soigner ceux que tu auras contaminés.
Je suis en colère parce que la responsabilité de la mort de tes voisins, tes parents, tes amis, me parait être bien lourde à porter sur tes seules épaules, quand tu pourrais partager avec le plus grand nombre la fierté d’avoir sauvegardé notre société.
Je suis en colère parce que tu ne comprends pas que tous les écarts apparemment insignifiants de quelques individus réduisent à néant les immenses sacrifices consentis par les meilleures volontés.
En réalité j’étais en colère.
J’étais en colère, jusqu’à choisir l’heure où commence le JT pour retrouver mon chez-moi. Et que tous mes voisins étaient au balcon, applaudissant à gorge déployée. Je n’ai pas pu m’empêcher
d’en rapporter quelques uns chez moi.
Des applaudissements, pas des voisins.
Je vois que vous avez bien suivi.
Ce week end encore, ce sera difficile pour chacun d’entre nous, de rester confinés. Héroïque même pour certains.
Souvenez vous : soyez forts, encore. Soyez solidaires, toujours. Mais soyez chez vous.
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