Aujourd’hui, il y a attroupement inhabituel au village à proximité du quartier espagnol (aussi appelé KinéTown, vous comprendrez pourquoi dans un prochain épisode). C’est là que se situe le tableau des petites annonces du village, sorte de Paru-Vendu à la mode de Castor et Pollux.
On peut y lire, entre autres réclames et avis :
« Urgent ! Confrérie de druides recherche activement substances sédatives en tout genre, pour administration rapide à personnes alitées sur matelas en plastique à petits poissons fluos.
Toutes propositions étudiées : extraits naturels de truismes, poudre de long métrage roumain pour sourd-muet en langue des signes non sous-titrée*, cataplasme de Laudanum Micheldrückerum en
préparation magistrale, lyophilisât de salsifis sans sel sauce lénifiante, baratin de belle-mère prêt pour reconstitution.
Budget : quoi qu’il en coûte »
C’est le moment pour une petite note pédagogique. Car j’ai l’impression que vous avez bien aimé les notes pédagogiques d’hier.
Il ne vous aura pas échappé que nous avons des invités pas super super en forme depuis plusieurs jours. Comme expliqué hier, tout ceci est lié à un conflit syndical déclenché par les alvéoles pulmonaires, assez mécontentes du sort réservé au surfactant depuis l’arrivée du plombier polonais à ARN.
Je sens que si je ne vous explique pas ce qu’est l’ARN, je vais en perdre la moitié.
L’ARN est en quelque sorte la carte d’identité du truc de 140 nm, autant que sa notice de montage, dont il se sert pour se reproduire à l’intérieur des cellules du corps humain, notamment des cellules pulmonaires. Il utilise d’ailleurs les chaînes de production de nos cellules pour se fabriquer ses petites protéines et sa petite parka de virus. Le plus remarquable est qu’il est capable de produire des millions de modèles en quelques jours après infection, de quoi faire pâlir d’envie les meilleures chaînes de production chinoises.
A la fin de l’envoi, il ne touche pas, mais fait plutôt faire sauter la cellule, avant de partir faire sa life de virus. Au cas où vous vous posiez la question, les deux passions d’un virus à ARN
sont de trouver des nouvelles cellules pour fabriquer des parkas et des chaussettes à pois ainsi que de changer régulièrement de patrimoine génétique, afin d’échapper aux mesures de rétorsion de
l’administration fiscalo-immunitaire.
En somme, le coronavirus est un mélange satanique d’immigré sans papier, de squatteur d’usine à protéines et de nano-évadé fiscal. Étonnant que, avec tout ce que le village compte d’hommes
politiques férus de convictions de tous bords, ce virus soit encore en circulation.
Maintenant que vous savez ce qu’est l’ARN, revenons à notre grève alvéolaire et à ses conséquences. A l’heure actuelle, la principale mesure d’apaisement social que nous connaissons est la mise au repos de l’ensemble de l’organisme, et du système respiratoire en particulier, ainsi que l’apport de grosses quantités d’oxygène (« monstre oxygène » comment disent les savoyards), et tout ça grâce à la ventilation mécanique. Pour en savoir plus sur la ventilation mécanique, relire la chronique d’hier.
Le problème de la ventilation mécanique, en dehors du fait qu’il faut qu’Isa commande du matériel et que Renault se mette à fabriquer des respirateurs à partir de courroies de transmission de Clio 4 déclassées, c’est que c’est une activité assez inconfortable pour la plupart des gens. Surtout au début. Même en cherchant bien, vous avez assez peu de chances de trouver des clubs d’amateurs de ventilation mécanique, se réunissant le dimanche pour se faire souffler de l’air comprimé dans les bronches.
Ceci s’explique que, malgré près d’un siècle d’existence, notre belle spécialité n’a pas encore trouvé le moyen de reproduire la physiologie humaine de la respiration.
Je m’explique.
La respiration humaine normale, sans assistance, pourrait être comparée à l’effet produit par une pile d’écrans plats 5D-ready en cristaux de météorite des anneaux de Saturne sur une foule massée
derrière le rideau de fer d’un grand magasin d’électroménager, le premier jour des soldes. C’est le travail de votre diaphragme (sorte de gros bout de steak style bavette situé entre le thorax et
le ventre) qui provoque un appel d’air à l’intérieur de vos poumons, avant que cet air ne ressorte passivement, tout heureux qu’il est de s’être chargé de dioxyde de carbone et de cristaux de
météorites interstellaires.
La ventilation mécanique, c’est en quelque sorte l’inverse. Ça se passe toujours pendant les soldes, mais c’est un peu comme si vous vous acharniez à rentrer dans un 36 parce que vous trouvez cet
imprimé liberty couleur lilas fané vraiment splendide, alors que ce n’est manifestement pas (ou plus) votre taille. Il faut forcer pour fermer les boutons. Un peu comme un respirateur artificiel
pousse l’air de façon forcée à l’intérieur de vos poumons, qui sont priés d’accepter cette offrande gazeuse, et sur un autre ton s’il-vous-plait.
Vous me suivez toujours ? C’est peut-être le moment d’aller vérifier si vos pâtes ne sont pas en train de brûler (vu le cours du paquet de Barilla, ça serait con de gâcher) ou pourquoi votre progéniture est devenue subitement très très (trop ?) calme depuis que vous avez commencé à lire cette chronique.
Bien. Reprenons.
Comme on est des gens plutôt empathiques, et que la pédagogie Montessori rencontre vite ses limites quand on s’adresse à des gens en train d’étouffer dans un feu d’artifice de virus en parkas et
chaussettes à pois, nous avons pour habitude d’endormir les gens avant de les placer sous ventilation mécanique. Non seulement on les endort, mais on les encourage également à se tenir bien
tranquille grâce à des médicaments hérités de la culture populaire amazonienne. Je vous propose d’appeler ces phénomènes « coma artificiel » et « relâchement musculaire ».
Différentes méthodes ont été testé au cours de l’histoire de la médecine, depuis les méthodes mécaniques (essentiellement à base de massues et de commotion cérébrale), jusqu’aux méthodes
naturelles (extraits de plantes narcotiques plus ou moins purifiés et plus ou moins savamment dosés. L’insuffisance de savance dans le dosage ayant pu par le passé déboucher sur la mort de
l’individu, ou tout du moins sa conversion en entité proche du rutabaga ou de la carotte des sables mal lavée).
La solution actuellement retenue dans notre système de santé repose sur des agents de synthèse, qui dépendent donc d’une chaîne de production, de conditionnement, d’acheminement et de
stockage.
Le fait d’avoir remplacé le mélange amazonien à base de sève d’arbre à latex et de venin de crapauds par des curares de synthèse, ainsi que les progrès technologiques et la culture de la sécurité
qui nous caractérise, ont permis d’aboutir à une très grande confiance dans l’utilisation de ces médicaments. Ces médicaments sont un peu ce que le beurre de baratte était à Maïté à son âge d’or
: la base de toutes nos recettes, et la garantie d’un sauvage de vie dans la bonne humeur.
Et c’est là que le bât blesse, puisque toute la Gaule est actuellement en grandes tension d’approvisionnement sur l’ensemble de ces médicaments, à la fois narcotiques et paralysants.
Vous comprendrez donc l’inquiétude des druides du village, de se retrouver dotés de fantastiques respirateurs en carcasses d’utilitaire familial remastérisées, mais à court de médicaments indispensables à l’accueil convivial de nos invités infectés.
Bien entendu, tout ceci n’est qu’une fiction, et nos druides ont cela de commun avec la fourmi de la fable qu’ils savent être économes et ingénieux pour parvenir à leurs fins sans que leurs invités ne restent sur la leur, de faim. Mais tout de même, ça ne coutait rien de passer cette petite annonce…
Ce sera tout pour ce soir. Déjà, ou enfin, c’est selon.
Il faut croire qu’écrire à propos sommeil, même artificiel, ça fatigue.
*Une telle œuvre existe réellement. Sorte de huis-clos assez dérangeant ou des lycéens sourds, muets et manifestement assez peu à l’aise avec le respect de la vie humaine oscillent entre viol collectif et démantèlement de boîte crânienne avec meubles en hêtre massif.
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