Vous avez été nombreux(ses) à répondre à l’appel d’hier ! Grâce à vos idées et relations, nous allons récupérer de très nombreux bouchons d’oreille, ainsi que des masques occultant pour nos patients hospitalisés dans des espaces communs !
J’ai bon espoir pour les casques anti-bruit, même si c’est une ressource qui a l’air plus rare !
Enfin, j’ai lancé une bouteille à la mer auprès de la FONDATION Hospices Civils de Lyon pour financer notre
projet de réalité virtuelle en réanimation. Il pourrait bénéficier aux patients hospitalisés dans des conditions difficiles, mais aussi aux patients « COVID » en phase de sevrage ventilatoire,
sur nos trois services de soins critiques !
En remerciement, une petite expérience de philosophie quotidienne, librement inspirée de l’œuvre de Roger Pol Droit.
https://www.odilejacob.fr/…/101-experiences-de-philosophie-…
A lire, ou à vous faire lire, pour ceux qui n’aiment pas le sport.
Courir. Sourir. Recommencer.
Durée : dépendante de votre endurance
Matériel : minime
Effet : zygomatique
Un kilomètre. Votre terrain de jeu est bien réduit, en ces temps de confinement. Cela vous laisse tout de même pas moins de mille mètres consécutifs, dans 4 directions différentes, pour vous offrir cette cure de jouvence.
Le principe est simple. Partez courir, trottiner, sprinter, fractionner, avec vos baskets, vos échasses ou à cloche-pied, selon les ressources à votre disposition.
Le recours à une musique congruente à l’humeur joyeuse du moment peut aider.
Après un certain délai, variable en fonction de votre état de forme antérieur et des effets du confinement sur vos myocytes, vous devriez commencer à ressentir les effets caractéristiques de l’effort justement dosé. Vous n’avez besoin de vous concentrer que sur une chose : le contact répété, et alterné, de chacun de vos pieds avec la surface qui s’offre à eux. Gravillons, bitume, sentier étriqué ou chemin de halage aéré, peu importe l’amorti, pourvu qu’on ait l’ivresse.
La température est idéale, votre rythme cardiaque est exactement ce qu’il doit être à ce moment précis. Vous reconnaissez les motifs caractéristiques de l’écorce chaque arbre qui jalonne votre parcours de coureur confiné. Vous êtes capable d’estimer au centimètre près la hauteur du trottoir qui précède la petite montée marquant la moitié de votre parcours. Vous vous sentez exactement à la bonne place, au bon moment, en pleine possession de vos moyens physiques et mentaux, gonflé d’espoir par cette parenthèse extérieure que vous vous offrez. Vous seriez même prêt à jurer que la joggeuse qui arrive en face est secrètement amoureuse de vous, puisque cela fait trois fois cette semaine que vous la croisez à la même heure, et au même endroit.
Coïncidence ? Je ne pense pas.
Il suffit alors de peu.
Vous croisez un chien-saucisse promenant une octogénaire respectable et les poireaux qui dépassent de son panier.
Le vent vient de tourner, donnant à votre foulée un élan inespéré.
Les dernières notes du morceau d’avant viennent s’échouer contre les osselets de votre oreille moyenne. Non pas qu’elle soit médiocre, mais parce qu’elle se situe entre l’oreille externe et l’oreille interne. Les anatomistes manquent parfois de poésie. Ces derniers notes donc, sont bientôt remplacés par les premiers accords du morceau d’après. Peu importent leur sonorité, leur rythme ou leur couleur, ce sont vos préférés.
Il n’en fallait pas plus pour que l’ivresse recherchée pointe le bout de son nez.
La suite est très simple.
Peut-être aurez-vous envie, pour commencer, de laisser vos commissures remonter, s’étirer, laissant vos incisives admirer à leur tour les rues désertes qui s’offrent à elles.
Peut-être aussi n’aurez-vous besoin que de laisser s’installer une des seules choses que vous possédez depuis votre plus jeune âge, et que vous pourrez toujours distribuer, sans jamais en manquer.
Un sourire.
Il sera volontiers franc, généreux, irrépressible. Ou alors au contraire plus timide, réservé, presque surprenant et à l’insu de votre plein gré. Vous n’avez aucun effort à fournir, aucun autre effort que de laisser chacun des muscles de votre visage jouer sa partition. Chacun d’entre eux sait exactement quel rôle est le sien, pour tirer de vous le meilleur portrait que vous vous connaissiez.
Cette expérience pourrait s’arrêter là. Elle serait déjà fantastique.
Mais poursuivons encore quelques instants. Juste le temps pour vous de croiser quelqu’un d’autre. En fonction de votre lieu de résidence, et du parcours choisi, cela peut prendre quelques secondes, quelques minutes. Par les temps qui courent, il est déconseillé d’y consacrer plus d’une heure.
Votre sujet est désormais à portée de vue. Son identité, son rôle dans la société, son âge ou la raison pour laquelle il se trouve dehors en même temps que vous n’ont absolument aucune importance. Celle-ci peut être aussi bonne que la vôtre, meilleure peut être, ou totalement injustifiée. Cette donnée n’a vraiment aucune importance pour ce que vous avez à faire.
Il vous suffit de choisir de vous en détacher.
Et de lui offrir votre sourire.
Allez-y franchement, avec les dents qui blanchissent, les petits cheveux de la nuque qui se hérissent, le coin de la bouche qui se
hisse, sans retenue. Vos yeux se plissent, jusqu’à peut-être même se fermer. La musique est toujours présente, elle semble vous encourager dans ce geste de générosité gratuit et totalement
désintéressé. Vos pieds et vos jambes n’ont plus besoin de votre attention. Ils se sont coordonnés pour ne pas s’emmêler, et ne comptent pas se mêler de ce qui se passe quelques étages plus
haut.
Vous pouvez vous divertir un peu plus encore et compter le nombre de passants que vous réussirez à faire sourire.
Vous serez probablement étonnés. Epoustouflés par l’efficacité des neurones miroirs, ces fantastiques résidents de votre boîte crânienne, qui ont offert à vos parents vos premiers sourires « automatiques » alors que ceux-ci s’émerveillaient au-dessus de votre chétive silhouette. Parvenus à l’âge adulte, selon nos apprentissages sociaux et nos traits de personnalité, ces sourires « réponses » sont volontiers réprimés, par convenance, pudeur ou timidité. Parce qu’on ne sourit pas aux inconnus, cela pourrait sembler inadapté. Ou être mal interprété. Et parce qu’à première vue, « ça ne sert à rien ».
A rien d’autre qu’à permettre à la personne que vous venez de croiser de ressentir un peu de la joie intense que vous a procuré cet effort physique librement consenti.
Ou bien à dégourdir les zygomatiques de votre voisin désespéré d’être confiné chez lui avec sa femme chiante et ses enfants bruyants.
C’est aussi une très bonne façon de remercier celui qui est fidèle aux missions qu’il s’est choisies pour continuer à faire tourner cette société.
Essayez de sourire à un flic ou à votre postier, vous serez surpris par l’émotion procurée.
Cette expérience n’aura duré qu’un instant, peut-être moins selon l’allure de votre foulée. Vos yeux se ré-ouvrent, vous permettant de ne pas rentrer en collision avec le gang de riders en culotte courte et trottinette qui vous fonce dessus à vive allure.
A quelques mètres, un nouveau candidat apparaît. Vous n’avez que trois choses à faire : Courir. Sourire. Recommencer.
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